Les stablecoins sont l'un des piliers de la DeFi. Ils sont présents dans les pools de liquidité, dans les trésoreries, dans nos portefeuilles, et j’en passe. Ils permettent de trouver une certaine stabilité dans un environnement très volatile.
Cependant, la plupart des stablecoins les plus importants de notre écosystème sont totalement centralisés ou soutenus par des actifs centralisés. Certains sont devenus centralisés au fil du temps, tandis que d'autres l'étaient depuis le début.
Quelques projets courageux ont tenté d'apporter des alternatives à cette situation, mais n'ont pas encore réussi à changer le paradigme.
Le protocole f(x) vient proposer une option supplémentaire en créant deux actifs dérivés de l'ETH. L'un de ces actifs a une volatilité réduite pour ressembler à un stablecoin, tandis que l'autre hérite de cette volatilité en offrant un effet de levier variable sur l'ETH.
Cette partie est bien connue de tous, donc je ne m'étendrai pas. Il existe principalement trois types de stablecoins :
Les stablecoins soutenus par des Fiat (USDC, USDT)
Les stablecoins soutenus en partie par d'autres stablecoins soutenus par des Fiat (DAI, FRAX)
Les stablecoins entièrement décentralisés (LUSD)
Le premier type de stablecoin, entièrement centralisé, a connu un grand succès dans la DeFi. Grâce à leur modèle de réserve dans le monde réel, ils ont pu bénéficier d'une efficacité du capital élevée (1:1), assurant ainsi une stabilité relative de leur peg au fil du temps. Cela a entraîné une utilisation importante, une croissance exponentielle et une liquidité profonde.
Cependant, en améliorant l'expérience utilisateur de la DeFi, ces stablecoins ont apporté avec eux un risque insidieux, souvent perçu comme une “force”: la centralisation.
Aujourd'hui, ils dominent largement le marché et servent même de soutien à de nombreux autres stablecoins. Que ce soit en cours de route (DAI) ou dès le lancement des projets (agEUR), l'introduction, même partielle, de ces stablecoins entraîne le même type de risque (mention spéciale à la crise de l'USDC).
Il est donc peu logique de continuer sur cette voie au regard des idéaux de la DeFi.
Heureusement, quelques irréductibles Gaulois n'ont pas baissé les bras et ont poursuivi le combat.
L'alternative principale, la plus décentralisée et la plus viable à ce jour, est le modèle de CDP (Collateral Debt Position) n'acceptant que des actifs non censurables et décentralisés (Liquity).
Contrairement aux autres modèles, la croissance des stablecoins adoptant cette approche est plus progressive, plus lente.
Cela ouvre donc la voie à l'exploration de nouveaux modèles, ce qui est finalement une bonne chose car la diversité signifie la résilience.
Partons donc à la découverte d'une approche qui se veut un peu différente, en proposant non pas un stablecoin, mais quelque chose qui s'en rapproche.
Le protocole accepte de l'ETH en tant que collatéral et émet des jetons adossés à ce collatéral avec une volatilité faible ou élevée.
Vous pouvez donc créer des fETH et/ou des xETH en utilisant de l'ETH, en quantités basées sur le prix de l'ETH et le prix actuel de chaque jeton.
De même, vous pouvez échanger du fETH ou du xETH contre leur valeur équivalente en ETH.
Le système repose sur deux actifs dérivés de l'ETH :
fETH (ETH Fractionné) - Un jeton ayant une volatilité réduite, soit 10 fois inférieure à celle de l'ETH.
xETH (ETH avec Levier) - Un jeton équivalent à une exposition à l'ETH avec un effet de levier variable.
Le rôle du fETH est de suivre le prix de l'ETH avec des mouvements 10 fois moins importants.
Ainsi, si le prix de l'ETH augmente/diminue de 10%, le prix du fETH augmentera/diminuera de 1%, ce qui équivaut à un levier de x0.1 sur l'ETH.
Cela permet d'obtenir une certaine stabilité face aux variations de prix tout en se protégeant contre la dépréciation de l'USD par rapport à l'ETH. On peut considérer le fETH comme une première itération d'un pseudo-stablecoin ancré dans l'économie d'Ethereum.
Le rôle du xETH est de capturer les 90% de la volatilité non capturés par le fETH. Il présente donc des variations de prix plus importantes que l'ETH lui-même.
Le système ajuste les prix du xETH et du fETH en fonction du prix de l'ETH, de manière à maintenir la valeur totale de tous les xETH plus la valeur totale de tous les fETH égale à la valeur de la réserve en ETH. C'est l'invariant du protocole.
Ainsi, chaque fETH et xETH est soutenu et peut être échangé contre sa valeur équivalente en ETH à tout moment.
En réponse aux variations de prix de l'ETH, le protocole ajuste le prix du fETH pour refléter 10% de la variation du prix de l'ETH, et ajuste simultanément le prix du xETH pour respecter constamment l'invariant du protocole.
La puissance d'un stablecoin repose sur trois facteurs clés :
La volatilité des prix
Les risques intrinsèques (qui devraient être faibles)
La liquidité (qui devrait être profonde)
Dans le cas du fETH, la volatilité est assez faible, comme expliqué dans les sections précédentes.
Il est également important de noter que l'émission de fETH n'affecte pas son prix.
Les risques de centralisation sont évités ; les principaux risques seraient plutôt liés aux smart contracts et à l'oracle.
La profondeur de liquidité pourrait théoriquement être élevée car la quantité maximale de fETH qui pourrait être émise à un instant T n'est limitée que par le ratio de l'offre fETH : xETH.
En d'autres termes, l'offre de xETH est-elle suffisante pour absorber la volatilité de l'offre de fETH ?
Le système a été conçu pour rendre le levier du xETH variable et donc permettre à une quantité relativement faible de xETH de soutenir une quantité relativement grande de fETH.
La croissance de l'offre de fETH pourrait donc théoriquement être assez rapide et permettre une profondeur de liquidité assez grande.
Le fETH possède donc apparemment les caractéristiques d'un stablecoin puissant. Pouvons-nous pour autant le classer comme un stablecoin ?
Selon moi, il est encore trop tôt pour considérer ce type d'actif comme un stablecoin. Dans la conscience collective, quelque chose avec un prix qui peut fluctuer même un peu ne peut être considéré comme un stablecoin.
Le terme "pseudo-stablecoin" ou encore "actif à faible volatilité" serait plus approprié.
Vous l'avez compris, le xETH est la pièce maîtresse du système. C'est lui qui permet au fETH de conserver une faible volatilité et donc permet au protocole d'apporter de la valeur à l'écosystème.
Il est l'équivalent d'un effet de levier variable sur ETH. Il se veut composable, avec des risques de liquidation faibles et des coûts de financement nuls. Nous y reviendrons, mais dans certains cas, vous pouvez être incités à le minter (créer).
Son levier effectif précis varie dans le temps en fonction du ratio de l'offre xETH : fETH, en raison des créations (mints) et des rachats (redeems).
Plus simplement, si l'offre de xETH est plus importante que celle de fETH, l'effet de levier sera faible. La volatilité capturée par le xETH est répartie sur un plus grand nombre de tokens.
Inversement, une offre plus importante de fETH, concentrant la volatilité sur un nombre réduit de tokens xETH, se traduit par un levier effectif plus élevé.
La question ici est la suivante : Comment s'assurer d'une demande soutenue, à long terme, quelles que soient les conditions du marché, pour le xETH ?
Les concepteurs partent du principe que la demande de positions long sur ETH ne disparaît jamais.
Comme l'illustrent les figures 1 et 2 : "Le funding rate de l'ETH n’est pratiquement jamais négatif, et même lorsque cela se produit, l'open interest est encore si grand qu'il y a manifestement toujours une demande pour les positions long, même si elles ne sont pas dominantes (même brièvement). Étant donné ce niveau de demande continuellement démontré pour les positions long, ainsi que les caractéristiques très souhaitables de la DeFi que sont la décentralisation et la composabilité, le xETH fournira un nouvel outil puissant dans la boîte à outils du trader".
Vous avez compris le fonctionnement et les spécificités des deux actifs principaux. Comprenons maintenant comment le système fait pour rester stable.
Considérons que l’ensemble du système est un grand CDP (Collateralized Debt Position) :
Garantie totale du CDP = Réserve totale d’ETH
Montant emprunté = Offre totale de fETH
Différence entre la garantie totale et le montant emprunté = Offre totale de xETH
Nous pouvons à présent mesurer la santé du système avec un ratio de collatéralisation (RC).
Tout comme pour tout CDP, il faut maintenir un RC supérieur à 100%, donc maintenir une offre de xETH suffisante.
Le RC est le résultat de la valeur de la réserve en ETH divisé par la valeur de l’offre de fETH multiplié par 100%.
L'évolution de l'offre ainsi que du prix de fETH et xETH aura un impact sur le RC.
Un RC à 100% signifierait un prix du xETH à 0 (l’équivalent de la liquidation). Cela aurait pour effet une incapacité à maintenir la volatilité du fETH à un faible niveau. Le fETH subirait à ce moment 100% de la volatilité de l’ETH.
Un RC à 100% n’est pas un état souhaitable pour le système, il existe donc un module de gestion du risque pour l’éviter.
Le module de gestion du risque se décompose en 4 modes, de plus en plus puissants.
Chaque mode est activé à un certain niveau du RC, et l’écart entre chaque mode est de plus en plus faible. Leur but est d’inciter les utilisateurs à adopter certains comportements afin de réajuster le RC.
Chaque mode reste actif tant que le RC n’est pas remonté au-dessus de son niveau de déclenchement.
Niveau 1 - Mode Stabilité
Lorsque le RC est inférieur à 130%, le système entre en Mode Stabilité :
Le mint de fETH est désactivée
Les frais de redeem pour le fETH sont à 0%
Les frais de redeem pour le xETH augmentent
Les minters de xETH reçoivent des frais de stabilité qui sont payés par les détenteurs de fETH
Les frais de stabilité : réaffectation d’une partie du collatéral du fETH vers les bénéficiaires de ces frais. Cela résulte en une baisse du prix du fETH.
Niveau 2 - Mode Rééquilibrage Utilisateur
Lorsque le RC est inférieur à 120%, le système entre en Mode Rééquilibrage Utilisateur:
La conception même de ce mode devrait permettre de créer une barrière qui ne sera sûrement jamais franchie. Les arbitrageurs pourront effectuer en un bloc l’achat de fETH et le redeem d’une plus grande valeur en ETH.
Niveau 3 - Mode Rééquilibrage Protocole
En dessous d'un RC de 114%, le système entre en Mode Rééquilibrage Protocole :
Niveau 4 - Recapitalisation
Dans le cas le plus extrême, le protocole a la capacité d'émettre des jetons de gouvernance pour lever des ETH afin de recapitaliser, soit en émettant du xETH, soit en achetant et en redeemant du fETH.
La réserve est « divisée » en deux parties, une pour soutenir le fETH et l’autre pour soutenir le xETH. La répartition des ETH de chaque partie fluctue avec le prix de l’ETH, tout en respectant l’invariant du protocole.
Le changement de prix du xETH pendant une période donnée dépendra de la part de la réserve qui supporte le fETH par rapport à celle qui supporte le xETH au cours de la période précédente.
Comme vous pouvez le voir, à mesure que la part de la réserve allouée aux fETH augmente, le levier de xETH suit, jusqu’au déclenchement des différents modes si nous arrivons à un déséquilibre dangereux pour le protocole.
Lors du mint et du redeem de fETH/xETH, le protocole facture des frais. Ce sont les frais de mint et de redeem.
Nous en avons parlé précédemment, mais lorsque le module de gestion du risque est activé, un frais de stabilité peut être prélevé directement sur part de la réserve qui soutient le fETH, ce qui a une répercussion sur son prix.
Voici un tableau qui résume quand les frais sont en vigueur :
Pour faire simple, le $FX est le token de gouvernance du protocole. Il fonctionne avec un modèle de veToken, vous pourrez donc le verrouiller pour une durée variable. Plus la durée de verrouillage sera importante, plus vous obtiendrez de veFX.
Les veFX vous permettront de voter sur les décisions de gouvernance et de bénéficier d’une partie des revenus générés par le protocole.
Je vous propose de lire cet article pour en apprendre plus.
L’approche d’AladdinDAO est très intéressante. Elle bouscule le paysage actuel des stablecoins en proposant un modèle décentralisé et qui s’intègre au maximum dans l’écosystème Ethereum.
Cela peut sembler un peu compliqué au premier abord, avec certains risques différents de ceux connus par les utilisateurs des propositions actuelles, mais cela vaut le coup de s’y intéresser et d’en comprendre les rouages.
Finalement, un pseudo-stablecoin « peg à ETH », ne serait-ce pas cela la nouvelle norme pour une vraie DeFi indépendante du tout-puissant dollar ?
Retrouvez l'ensemble de mes réalisations ici.