“Blockchain”, “NFT”, “DAO”, “cryptomonnaie”, “métavers”, “décentralisation”… Derrière ces concepts, regroupés sous l’appellation générique “Web3”, préfigure l’émergence d’une nouvelle économie sur Internet. Et des paradigmes innovants pour les médias.
Article extrait d’un entretien pour PyratzLabs : https://www.youtube.com/watch?v=82dJYjYjwuI
Les problèmes rencontrés par les médias aujourd’hui
Des modèles économiques de plus en plus fragiles
- La publicité entraîne une perte d’indépendance des lignes éditoriales. À noter aussi que les intermédiaires technologiques captent beaucoup trop de valeur : une étude relayée par NiemanLab indique que, pour la publicité en ligne, les briques d’ad tech captent près de la moitié du budget initial d’un annonceur.
- Les dons et les abonnements restent des sources de revenus privilégiées. Mais face à l’abondance de contenus gratuits présents sur Internet, les éditeurs luttent difficilement contre le “churn” et la “suscription fatigue”. Les limites des souscriptions sont présentées en page 11 de ce rapport Reuteurs.
- La diversification de l’activité, avec l’e-commerce ou l’évènementiel par exemple, implique de trop profondes transformations internes. Les montées en compétences et les recrutements nécessaires demandent de s’éloigner des cœurs de métier.
Une confiance et une crédibilité en perdition
En plus des complications pour assurer leur rentabilité, les médias font face à une méfiance généralisée. Cette perte de confiance s’explique par la concentration des médias aux mains de quelques industriels (une dizaine de milliardaires contrôlent une majeure partie du secteur). L’opacité des activités et le manque de transparence sur les revenus générés installent des doutes dans l’opinion publique.
Les opportunités technologiques du web3 pour les médias
- Créer une cryptomonnaie revient à proposer une certaine forme d’actionnariat pour les contributeurs et la communauté d’un projet. Une opération qui prendrait du sens pour tout média qui cherche à lever des fonds, à renforcer le sentiment d’appartenance et à rétablir de la confiance auprès de son audience.
Les organisations décentralisées (“DAOs”) visent une direction collective et sans opacité. En général, le poids de gouvernance au sein d’une DAO est proportionnel à la quantité de cryptomonnaie (“tokens”) détenue par chacun des membres. Une DAO gère sa trésorerie au moyen de portefeuilles multisignatures, avec des outils comme Gnosis Safe par exemple.
- Les NFTs et les métavers ouvrent la voie vers de nouvelles expériences, avec l’opportunité d’offrir un lien différent et plus direct avec l’audience. Un NFT permet par exemple de proposer des “badges” numériques non falsifiables qui récompensent les fans et qui donnent des accès privilégiés. Les métavers promettent de réunir toute communauté au sein d’un système immersif dédié, sans contraintes géographiques.
- Les protocoles de stockage décentralisé offrent de la transparence et garantit une résistance à la censure. Une blockchain comme Ethereum ou Polygon assure un suivi transparent des activités financières, alors qu’IPFS ou Arweave sont des technologies très adaptées pour héberger de façon immuable des contenus textuels et tout autres fichiers.
Même si l’écosystème est encore balbutiant, le grand public commence à comprendre en quoi consiste les cryptomonnaies, les NFTs, les métavers. C’est donc le moment ou jamais pour les médias d’innover, l’occasion d’avoir de l’avance sur la concurrence sans trop prendre de risques.
Les médias qui se sont lancés dans l’aventure Web3
Presse et newsletters
En France, 20 Mint est le premier journal papier consacré au Web3. Ce projet porté par 20 Minutes a été financé grâce à la vente d’une collection de 999 NFTs. Détenir une des 999 “machines à écrire” donne accès aux salons du comité éditorial sur le Discord de 20 Mint. L’équipe va également créer une DAO qui contrôlera un fond.
Aux États-Unis, la newsletter sur la finance décentralisée Bankless rémunère et gère la gouvernance via sa cryptomonnaie $BANK.
Radios et podcasts
Du côté des radios françaises, Fun Radio et NRJ ont lancé des NFTs qui offrent des accès à des concerts.
Aux États-Unis, iHeartMedia a créé la franchise “Non Fun Squad”, avec un réseau de podcasts incarnés uniquement par des NFTs populaires. La première émission créée, “Prop Culture”, met en scène deux personnages de la collection Quirkies. En plus de profiter d’une communauté très active, ces NFTs assurent une propriété intellectuelle pour iHeart.
Avec value4value, le collectif PodcastIndex promeut le don et la rémunération directe par seconde d’écoute en bitcoin, via Lightning Network. Certaines applications d’écoute de podcasts comme Fountain supporte cette fonctionnalité innovante.
TV et vidéos en ligne
Le jeu TV American Idol renouvelle le genre du télécrochet avec les candidats du jeu représentés sous forme de NFT. Trader ces cartes virtuelles a du sens puisqu’à l’issue de la finale, détenir un NFT du ou de la gagnante donne le droit à un voyage à Hollywood.
Sur le plan des vidéos en ligne, notons des alternatives à YouTube décentralisées, comme D.Tube.
Innover grâce au Web3 : les bonnes pratiques et les pièges à éviter
C’est d’ailleurs un peu déconcertant, mais parfois tout est question de marketing… Du moins en bull market, quand le marché est en pleine euphorie, ce qui était le cas en 2021, mais ne l’est plus maintenant.
Pour tout projet de NFTs, tokens ERC20 et DAOs, difficile d’imaginer un certain succès sans animer une communauté active, engagée.
Les technologies “web3” sont encore peu maitrisées. La vulgarisation est aussi certainement une clé de succès, pour pouvoir fédérer au maximum son audience.
Les raisons d’être, les missions, doivent aussi être claires et cohérentes. La valeur perçue doit être forte, la communauté doit en avoir pour son temps et son argent.
Sans oublier que les projets complexifiés inutilement avec du métavers, des NFTs ou des transactions sur une blockchain finissent toujours par échouer.
Web3 et médias : les projets français à suivre
Des outils pour tester le potentiel du Web3 pour les médias
Crypto, NFTs
- Brave est un navigateur Web qui intègre nativement un portefeuille numérique (“wallet”). Cette alternative à Chrome propose une rémunération avec les jetons BAT, en lieu et place des publicités des sites qu’ils bloquent.
- Coinvise est une plateforme nocode qui permet de créer en quelques clics sa propre cryptomonnaie. Coinvise facilite aussi la mise en place de “missions”, qui ont pour but d’engager puis rémunérer sa communauté avec les tokens créés.
- Le wallet deviendra très certainement une part de notre identité, en lieu et place des traditionnels emails et mots de passe. Unlock met en évidence ce potentiel. Unlock propose de faciliter la gestion de paywall avec des NFTs.
Métavers
Stockage décentralisé
- Mirror, une alternative à Medium, héberge les textes écrits de façon permanente et décentralisée sur Arweave. Mirror offre des modules de financement participatif et de rémunération des contributions, des transactions facilitées par blockchain. Cet article est publié via Mirror, et l’achat du NFT associé en rémunère l’auteur !
- Pinata ou Fleek sont des plateformes de stockage qui utilisent IPFS.
Quel avenir pour les médias à l’heure du Web3 ?
Les changements pour les médias s’opèreront de manière très progressive.
De nouveaux acteurs vont très assurément apparaître, avec une gouvernance en DAO, une comptabilité intégralement en cryptomonnaie et/ou une diffusion décentralisée.
Si vous avez des idées de projets média dans ce sens d’ailleurs, discutons-en sur Twitter, LinkedIn ou Lens !